21 janvier 2012

L’aventure selon Spielberg

Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne de Steven Spielberg, 1h47, USA
Avec Jamie Bell, Andy Serkis, Daniel Craig, Simon Pegg, Nick Frost…
C’est avec la sortie des Aventuriers de l’arche perdue, en 1981, que Steven Spielberg entendit parler pour la première fois de Tintin, ce jeune reporter belge parcourant le monde d’aventures en aventures. Une critique française avait en effet vu le lien de parenté entre le personnage d’Hergé et son célèbre archéologue Indiana Jones. Subjugué par la force narrative des récits du dessinateur, Steven Spielberg se met alors en tête d’acheter les droits de la bande-dessinée avec l’idée de l’adapter le plus fidèlement possible. Il lui fallut près de trente ans afin trouver la technique adéquate. C’est l’association avec son héritier direct, le réalisateur du Seigneur des Anneaux, Peter Jackson et une visite sur le tournage d’Avatar dirigé par James Cameron qui l’ont convaincu que seule la technique révolutionnaire de la performance capture pouvait saisir l’essence même de la ligne claire chère à Hergé.

Tout le monde, au moins une fois dans sa vie, a lu ou vu, la formidable série en dessin animé de notre enfance, une aventure de Tintin. De fait, dire que cette nouvelle adaptation était attendue et redoutée tient purement de l’euphémisme tant la création d’Hergé est aimée à travers le monde, voir même adorée par certains aficionados. Force est de constater que Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne, qui reprend ici trois albums (à savoir Le Secret de la Licorne, Le Trésor de Rackham le rouge et Le Crabe aux pinces d’or), est une réussite exceptionnelle et relève du jamais vu sur un écran de cinéma.

Non seulement la performance capture parvient à exposer avec crédibilité l’univers si particulier du dessinateur, entre simplicité et détails à foison, mais aussi à hisser la mise en scène toujours virtuose de Steven Spielberg vers de nouveaux sommets. Il faut voir le degré de réalisme ici atteint nous présentant des êtres numériques entre réalisme du corps humain (veines, pores de la peau, saleté sous les ongles etc…) et traits de bandes-dessinées. A ce titre le Capitaine Haddock, véritable héros du film et personnage Spielbergien en diable de par son passé familial meurtri, est d’une beauté à couper le souffle.

Le réalisateur de Jurrasic Park revient avec Tintin à l’aventure au sens le plus noble du terme et au spectacle total, sources même de son cinéma, ici dégagées de toutes contraintes techniques comme le prouve cette scène hallucinante à Bagghar où tout s’écroule, explose, saute de voiture en voiture, voltige dans les airs dans une pleine séquence d’anthologie. Comme si Steven Spielberg voulait marquer une date dans l’histoire de ce cinéma nouveau et décomplexé après les monumentaux Speed Racer, Avatar ou Scott Pilgrim. Le film de James Cameron nous l’avait promis, celui de Steven Spielberg nous le prouve: nous vivons là une décennie de cinéma de folie.

La fidélité envers l’œuvre de Hergé et la mise en scène sont bel et bien au rendez-vous tout comme le scénario habile signé des meilleurs anglais du moment, à savoir Steven Moffat , Joe Cornish et Edgar Wright, et bourré de transitions brillantes, de ruptures temporelles et de péripéties délirantes. Le tout en reconstituant avec un brio rare l’atmosphère de l’entre deux-guerres, des sérials d’antan, les thèmes récurrents du cinéma de Spielberg et l’esprit de Tintin bien sur.

Le génie du film tient pour beaucoup à son casting très bien pensé où l’expert de la performance capture Andy Serkis, ancien Gollum et King Kong et tout juste sorti du rôle de César dans La Planète des singes: les origines, livre une nouvelle performance en un Haddock alcoolique et dépressif tandis que Jamie Bell se révèle être un Tintin extrêmement convaincant. Et saluons l’idée, tout bonnement géniale, de confier les rôles de Dupond et Dupont au duo frappadingue Simon Pegg-Nick Frost véritables Laurel et Hardy modernes. Enfin, avec Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne John Williams, compositeur attitré des musiques de films de Steven Spielberg, signe là l’une de ses plus belles compositions à ce jours à la fois très européenne dans l’univers qu’elle dégage et remplie de mystères et d’aventures.

En somme Les Aventures de Tintin: Le Secret de la Licorne se voit tout simplement comme l’un des plus grands films d’aventures jamais vus dans la lignée directe de Lawrence d’Arabie, Le Trésor de la Sierra Madre et des Aventuriers de l’arche perdue de par son souffle épique, son rythme trépidant, ses personnages iconiques, ses décors évocateurs et sa mise en scène toujours plus immersive. Steven Spielberg tient là l’un des plus grands films de sa carrière et prouve à ceux qui ne l’avait pas encore compris qu’il est bel et bien le plus grand artiste de son temps.

Un très grand film à voir en famille !

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